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Il était un village dans lequel vivaient trois frères. L'aîné prit son arc et ses flèches, et s'en alla chasser. Il s'installa près d'un fleuve dans lequel vivaient des poissons. Il banda son arc, et une flèche toucha un poisson que le frère plaça sous une pierre. Le poisson était vivant, mais il ne pouvait plus bouger, car la pierre le retenait. Le frère avançait toujours, et à chaque fois la même scène se répétait : il attrapait des poissons et les mettait sous une pierre. Mais une fois, la flèche atterrit dans une racine d'arbre. De la racine s'écoula un liquide blanc. Le frère se dit :

« C'est ainsi que pleure l'arbre à pain. » Il vit que celui-ci portait plus de fruits que de feuilles. Le frère déposa son arc et ses flèches et grimpa à l'arbre. Il prit une branche recourbée pour faire tomber les fruits. L'un d'eux tomba sur le toit d'une cabane qu'il n'avait pas vue et qui se dissimulait sous l'arbre. Une femme, Bouma, sortit de la cahute. Elle avait de vilains yeux, et tout le monde avait peur d'elle. Elle volait les enfants des gens du village. Elle cria au frère : « Qui touche à mon arbre à pain ? »
Le frère tremblait tout comme la branche qu'il tenait, mais il répondit :
« C'est moi et mes frères.
— Appelle-les, dit Bouma.
— Frères ! » appela-t-il.
Et tous les poissons, qui étaient retenus par des pierres pour ne pas se sauver, répondirent. Bien que Bouma fût en colère, elle dit :
« Bon. Cueillez donc ! Les fruits sont à moi et à vous. »
Les Trois Frères - illustration 1
Le frère descendit de l'arbre, enveloppa ses fruits, prit son arc et ses flèches, et retourna au fleuve. Il continua à attraper des poissons, puis il les enleva de dessous les pierres et les enveloppa dans une grande feuille. Alors, il rentra chez lui. Il fit cuire sur le feu les fruits de l'arbre à pain et les poissons, et il mangea. Ses frères, attirés par l'odeur, salivèrent en voyant les poissons et les fruits de l'arbre à pain.
« Nous avons faim. Donne-nous au moins les peaux, demandèrent-ils.
— Ce qui est à moi est à moi » dit le frère aîné, et il mangea tout, tout seul.
Quand le soleil monta à l'horizon, le frère cadet prit son arc et ses flèches, et s'en alla. Il alla vers le fleuve, et avec son arc et une flèche, il prit un poisson. Il le mit dans le fleuve, sous une pierre. Alors qu'il avait déjà attrapé beaucoup de poissons, une des flèches se ficha dans une racine, et la racine pleura. Le frère vit alors beaucoup de fruits sur l'arbre à pain. Il se réjouit et se dit : « C'est à cet arbre que s'est nourri mon frère ! » Il déposa à terre son arc et ses flèches, brisa une branche recourbée, et fit tomber des fruits. Les fruits s'abattirent sur la cabane de Bouma, qui sortit et dit :
« Qui donc maraude encore dans mon arbre à pain ?
— C'est moi et mes frères.
— Appelle-les, dit Bouma. Le frère appela, les poissons répondirent, et Bouma dit aussitôt :
— Fort bien. Cueillez donc ! Les fruits sont à moi et à vous. »
Les Trois Frères - illustration 2
Le frère cadet descendit de l'arbre, ramassa les fruits et les enveloppa dans un grand baluchon. Il chercha les poissons, les emballa dans une grande feuille et s'en alla. À la maison, il fit un grand feu et mangea. Ses frères humaient le parfum et mouraient d'envie de manger. Ils dirent :
« Donne-nous au moins ces petits poissons, nous avons faim.
— Ce qui est à moi est à moi » dit le frère cadet, et il mangea tout, tout seul.
Le lendemain, le benjamin prit son arc et ses flèches, et se mit en route. Il trouva les traces de la veille, qui le conduisirent près du fleuve. Le frère prit son arc et une flèche et attrapa un poisson. Le frère le tua, coupa une liane et y attacha le poisson. Déjà, il avait une longue ligne de poissons. Il s'enfonça profondément dans la forêt. Malencontreusement, une flèche se ficha dans une racine. La racine pleura. À l'instar de ses frères, il regarda les branches et se dit : « C'est à cet arbre que se sont nourris mes frères ! Il y a énormément de fruits, et ils ne m'en ont même pas donné un ! »
Les Trois Frères - illustration 3
Il déposa à terre son arc et ses flèches, brisa une branche recourbée, grimpa à l'arbre et fit tomber des fruits. Les fruits s'abattirent sur le toit de la cabane. Bouma sortit, très en colère, et elle cria :
« Qui est-ce qui maraude encore les fruits de mon arbre à pain ? » Le plus jeune des trois frères, mort de peur, répondit :
— Moi et mes frères.
— Appelle-les, dit Bouma.
— Frères ! » appela-t-il. Mais les poissons étaient morts, et pas une seule voix ne se fit entendre.
Bouma dit : « Appelle encore ! »
Il appela, si bien qu'un fruit de plus tomba, mais aucune voix ne se fit entendre.
Bouma dit :
« Tu mens, tu es tout seul ici. Quand tu descendras, je te mangerai. Par où vas-tu descendre ?
— Par ta cabane. »
Vite, Bouma arracha le toit et le rejeta au loin.
Elle dit : « Je te tiens. Par où descends-tu ?
— Par les poutres de ta cabane. » dit le frère.
Vite, Bouma arracha les poutres, les brisa et éparpilla les morceaux loin de l'arbre à pain. Puis elle déterra les pieux qui soutenaient la charpente, et la cabane s'écroula.
Le frère dit : « Je vais descendre par ce cocotier. »
Bouma abattit le palmier et tous les arbres qui, autour de l'arbre à pain, lui fournissaient sa nourriture. Elle dit : « Par où vas-tu descendre, maintenant ? »
Le frère répondit : « Par ce porc, qui passe par là. »
Bouma saisit sa hache et tua le cochon.
Le frère dit, intentionnellement : « Par ton chien qui accourt par ici. »
Bouma tua le chien.
Elle dit : « Maintenant je te tiens. Comment descendras-tu désormais ? »
Le frère dit : « Par ta jambe gauche. »
Bouma se la coupa et tomba à terre.
Le frère dit : « Par ta main droite. »
Bouma se coupa la main droite. Le frère descendit de l'arbre, prit son arc et une flèche, et tua Bouma. Il ramassa les fruits de l'arbre à pain, les emballa dans un gros baluchon qu'il jeta sur son épaule. Il prit aussi la liane avec les poissons attachés et rentra chez lui.
Ses frères l'attendaient, car déjà le soir tombait. Le benjamin raconta ses aventures. Tous étaient bien contents, ils chantèrent et mangèrent sa nourriture autour du feu.
Les Trois Frères - illustration 4
Depuis ce jour, Bouma n'a plus jamais emporté d'enfants du village.